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  • Quand un Blésois constatait la mort d’Émile Zola…

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    Au petit matin du 29 septembre 1902, le célèbre écrivain français Émile Zola trouve la mort dans des circonstances tragiques, asphyxié à son domicile parisien du 21 bis de la rue de Bruxelles. C’était il y a tout juste 120 ans…

     

    Retour sur les faits.

     

    La veille du drame, Émile Zola et sa femme Alexandrine rentrent d’un long séjour passé à Médan (Yvelines) où le couple possède une somptueuse villa secondaire.

    Quelques semaines auparavant, Zola avait contracté une pneumonie dont la guérison était admise de tous. Bienveillants, ses domestiques s’assurent que l’atmosphère de l’appartement parisien soit la plus asséchée possible avant son arrivée vers midi. Aussi décident-ils d’allumer quelques boulets de charbon dans la cheminée de la chambre à coucher du couple. Le reste de la journée se déroule sans incident notable. 

     

    Cependant, les auditions des témoins de l’époque nous apprennent que le soir, cette même cheminée ayant fumé « horriblement », le foyer a été fermé pour ne pas incommoder le couple. Les fenêtres ont été ouvertes pour aérer, il a été convenu de faire intervenir rapidement un fumiste et personne ne semble s’être plus ému de la situation.

     

    Après le dîner, Émile Zola et son épouse se couchent tranquillement. Les journaux de l’époque rapportent que ce soir-là, le romancier a veillé tard dans la nuit, tout absorbé dans la lecture d’un ouvrage retrouvé ouvert à côté de lui, au petit matin.

     

    Le lendemain, alors que la chambre du couple demeure étrangement fermée à une heure avancée de la matinée, les domestiques prennent la décision d’enfoncer la porte. Sur le lit, Alexandrine râle, inconsciente. Émile, quant à lui, est allongé au sol, mort. Les rapports et la presse de l’époque livrent un détail important : le foyer de la cheminée est retrouvé ouvert, laissant à penser que l’un des époux, dans la nuit, a levé le tablier pour réchauffer la pièce.

     

    Le journal L’Indépendant de Loir-et-Cher du 1er octobre 1902 indique qu’un certain Monsieur Main, blésois d’origine, figure parmi les premiers médecins à se rendre au chevet de Zola. Sur lui, nous ne disposons d’aucun élément. Son père en revanche est loin d’être inconnu puisqu’il s’agit d’un ancien vétérinaire ayant occupé les fonctions de chef du service sanitaire du département, du service des épizooties, et d’inspecteur des boucheries et des abattoirs au sein de l’administration municipale de Blois. L’annuaire de Loir-et-Cher de 1901 le mentionne comme habitant au 10 Grand Reménier à Blois.

     

    Voici ce que déclare Monsieur Main fils, médecin à Paris et par ailleurs voisin des Zola :

    « Je suis arrivé le second auprès de M. et de Mme Zola. Le docteur Bermann, qui habite rue Nouvelle, m’avait précédé. Il avait passé, en arrivant, une glace sur les lèvres des victimes. Mme Zola vivait encore, mais aucune buée n’était venue ternir le miroir lorsqu’on fit l’expérience sur M. Zola. Le grand romancier était donc mort, ou à peu près. Cependant, nous essayâmes, en compagnie du docteur Lenormand, la traction rythmique de la langue et la respiration artificielle. Nous n’aboutîmes à aucun résultat en ce qui concerne M. Zola : quant à Mme Zola, elle ne tarda pas à être ranimée.

    - Mais quelle est, demandons-nous à l’éminent praticien, la cause exacte de l’accident ?

    - Je n’ai aucune opinion à ce sujet, nous répond-t-il ; attendons l’expertise. »

     

    Les conclusions de l’enquête s’orientent vers une défaillance du tirage de la cheminée ayant conduit à l’accumulation d’oxyde de carbone dans la pièce fermée. Émile Zola, indisposé par les émanations, avait dû se lever pour tenter d’aller ouvrir une fenêtre alors que sa femme demeurée allongée sur le lit avait pu résister plus longtemps, pour finalement être sauvée in extremis.

     

    Pendant cinquante ans, l’enquête officielle aboutit à la même conclusion, invoquant un simple accident. Néanmoins, des recherches successives menées par Jean Bedel, journaliste à Libération, puis par deux spécialistes de Zola, Alain Pagès[1] et Owen Morgan[2], relèvent des contradictions dans les investigations menées, laissant entrevoir que le romancier aurait pu être victime d’un assassinat. L’obstruction inexpliquée de la cheminée sur le toit de l’appartement des Zola demeure la clé de voûte de ce mystère…

     

    Il est vrai que le romancier compte de nombreux ennemis depuis son engagement dans l'affaire Dreyfus avec la publication en janvier 1898, dans le quotidien L'Aurore, de l'article intitulé « J'accuse… ! » qui lui valut un procès pour diffamation et un exil à Londres la même année. La direction générale de la sûreté nationale avait alors diffusé son signalement ainsi que celui d’Alexandre Perreux, ancien gérant de L’Aurore, accompagné de deux photographies.

     

    Si la mort tragique d’Émile Zola provoque une vive émotion dans le pays, elle déclenche aussi une vague de déclarations publiques aux accents antisémites plus que virulents. Les journaux de l’époque relaient la parole d’opposants notoires de Zola, tel le journaliste et homme politique d’extrême-droite Édouard Drumont qui participa à la fondation de la Ligue nationale anti-sémitique de France en 1890. La Croix de Loir-et-Cher, qui ne voit en Zola qu’un « écrivain pornographique », poursuit sur le même ton en affirmant dans son édition du 5 octobre 1902 : « Peu d’hommes, en ce siècle, ont eu un aussi grand succès de librairie. Peu d’hommes ont fait autant de mal ». 

     

    Alors… tragique accident domestique ou « cold case » de l’histoire ?

     

     

    [1] Historien de la littérature, professeur émérite à l’université de la Sorbonne nouvelle – Paris 3

    [2] Professeur des universités de Montréal (†)

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